Sauf qu'avec le temps, le rap conscient devient aussi vide, aussi creux, aussi convenu et aussi dénué de sens que ce qu'étaient progressivement devenues les outrances gansgta. Et son pendant la nu soul a beau s'opposer à la vacuité r'n'b et vouloir restaurer la magnificence passée des musiques noires, elle n'est qu'une résurgence déformée et réchauffée de la soul originelle.

Bon, pour cesser d'être soupe-au-lait, il faut tout de même reconnaître que les albums de Common, ou en marge du genre, ceux de D'Angelo et d'Erykah Badu, sont loin d'être mauvais. Celui de Dead Prez, très offensif, et malgré une rhétorique politique souvent naïve, contient assez de chair et de nerf pour être l'un des incontournables de l'année. Et même celui de Reflection Eternal, terrible déception au vu de leurs singles passés, n'est pas non plus franchement une catastrophe.

Mais figés dans leur bonne conscience, obnubilés par une vision fantasmagorique et déformée de la terre-mère africaine et du passé jazz et soul, tous ces gens ne rendent pas forcément le meilleur hommage qu'il soit aux musiques noires, et ils ne montrent assurément pas la voie… Tout juste servent-ils de caution morale et montrable à un public rap déjà vieillissant (mine de rien, le genre approche de ses 30 ans) et aux gens réfractaires au hip-hop mais soucieux de s’assurer à moindre frais une bonne conscience black.