Mush Records / Big Dada :: 2001 :: acheter ce disque

On a donc bien affaire à des affilliés de longue date du crew Anticon que tout lecteur régulier de Hip Hop Section se doit de connaître (Buck 65, Sixtoo, Sole etc…), des irréductibles du hip-hop arty, littéraire et abstrait, des extrêmistes du concept.

Et pourtant ce disque risque de surprendre même ceux qui sont déjà familiers avec les plus connus des disques Anticon, puisqu'il s'éloigne plus que jamais des standards hip-hop : à l'efficacité et à la concision sonores qui caractérisent si souvent les beats, Odd Nosdam substitue des ambiances douces, des mélodies toutes en épaisses nappes de synthétiseur qui donnent à ses compositions une texture plus lâche, une ampleur qui évoque plus la techno ambient ou le post-rock que des breakbeats funkys. Sur ces sons synthétiques aux sonorités new wave des années 80, Dose One et Why? posent leurs caractéristiques voix aïgues et leurs flows rapides, saccadés et polyrythmiques pour s'adonner à des exercices de poésie abstraite, entre private jokes et formules hermétiques. Pour résumer, même avec un bon niveau d'anglais on ne comprendra pas grand chose aux textes. Bonne initiative de Mush, toutes les sorties de Dose semblent désormais êtres accompagnées d'un livret avec les paroles, mais même en les lisant il est difficile de saisir le sens de phrases du genre :

Je me suis enseigné à survivre
à une chute de quatre étages
en mettant une combinaison spatiale
et les chaussettes d'un Anglais mort

La structure du disque est tout aussi surprenante : les 12 plages d'environ 6 ou 7 minutes chacune étaient à l’origine sortie sous la forme de 6 vinyles 10" sur Mush Records entre 1998 et 2000. Une plage ne correspond pas à un simple morceau : chacune d'entre elles est divisée en trois ou quatre mouvements différents séparés par des interludes instrumentaux. J'ai personnellement une préférence pour les morceaux comme le premier mouvement de la plage 5 ou surtout le chef d'œuvre qu'est "Jimmy Breeze (2)" et son passage de flûte onirique à la langueur trip-hopienne : les beats mélodiques donnent à Dose et Why? l'occasion de s'approcher encore plus du chant avec des phases très musicales accompagnées de gémissements qui font l'effet des chœurs dans les chansons de pop. On peut aussi apprécier les compositions plus facilement reconnaissables comme la déjà culte "Jimmy Breeze (1)" et ses samples de jeux vidéos ou les xylophones de "Bike (1)" qui amènent un peu de variété à un album très long auquel on pourrait reprocher une certaine monotonie.

Quelques défauts empêchent en effet cLOUDDEAD de devenir la véritable référence d'un hip-hop à la fois excentrique et cohérent : si les beats languissants, bas et sombres sont un bon support aux voix des MCs, les nombreux moments où l'on se retrouve seul avec eux (trois des douze plages sont entièrement instrumentales !) sont loin de convaincre. Ils peuvent même être franchement ennuyeux, notamment le Clouddead n°5 (2) dont les scratches étranges et les ambiances bizarres ne suffisent pas à fasciner. Les tentatives bruitistes qui parsèment le disque, faites de samples de voix et de bruits inidentifiables ne valent pas non plus tellement le détour, mais il faut reconnaître que leur durée assez courte permet de les ignorer si on se laisse gagner par l'atmosphère assoupie et pesante du disque. Et puisqu'on en est a faire des reproches, le featuring de Sole sur "I Promise Never to Get Paint on my Glasses Again (2)" ne fera sans doute qu'accroître le nombre de ses détracteurs puisqu'il est tout simplement désastreux.

Au final, cLOUDDEAD est un album qui possède une ambiance bien particulière, lente et lointaine, qui sort complètement de tous les formatages hip-hop, mais qui n'est pas toujours assez inspiré pour qu'on ne s'en lasse pas. Tout de même, il semble mieux passer l'épreuve du temps que beaucoup d'albums comme Circle ou Deep Puddle Dynamics (The Taste of Rain) dont on revenait souvent très très vite, et cela semble bien indiquer que les artistes Anticon n'ont pas encore produit leurs meilleurs disques : vivement le deuxième album de Them (Dose One et le producteur Jel) par exemple…