Tommy Boy :: 1990 :: acheter ce disque

Dès le premier titre on est plongé dans l'univers funky et excentrique de Digital Underground : "The Humpty Dance" nous présente le personnage le plus caractéristique du groupe. Le docteur Funkenstein à du cloner Shock G pour créer Humpty Hump, un échalas habillé comme George Clinton, arborant les lunettes et le nez de Groucho Marx, et ce MC nasal nous présente ici sa danse. A la fin des années 80, tous les mois un rappeur lançait une nouvelle danse, et l'été 1990 a été rythmé au tempo de la Humpty Dance, faisant oublier The Biz Dance, The Steve Martin, Do The James et éclipsant Do The Bart. Ca semble incroyable aujourd'hui, mais à cette époque le rap était une musique dansante ! Basé sur un break de Sly Stone agrémenté d'une basse élastique, le beat programmé par Shock G est devenu le morceau de rap le plus samplé.

Ce titre a aussi lancé un nouveau phénomène : les alter ego. Digital Underground sont les premiers à créer des personnages récurrents, le seul MC à interpréter plusieurs personnes dans ses raps était Slick Rick, mais sans leur donner de noms et en les faisant vivre le temps d'un couplet. Digital Underground sur cet album est composé de Schmoovy Schmoov, Money B, DJ Fuze, Kenny K, Chopmaster J et Shock G, et de quelques intervenant à l'existence douteuse : Piano Man, Humpty Hump, MC Blowfish, CMJ, Computer Woman...

Par ailleurs Digital Underground est le groupe qui a sorti George Clinton de l'oubli, si aujourd'hui le P Funk semble être une partie intégrante du rap, à l'époque hormis un "Me Myself & I" par ci et un "Eazy Duz It" par là, l'inépuisable réservoir de samples de la bande à Clinton était intact. La moitié des 17 titres utilise des échantillons de Parliament ou Funkadelic, mais au delà de ça c'est l'esprit festif du P-Funk qu'ils tentent de recréer, autant dans les pochettes de leurs maxis que dans la musique mêlant instruments live et samples. Leur philosophie hédoniste est résumée sur un titre, "Doowutchyalike", ce qui va bien sûr avec une débauche de sexe.

L’inspiration leur vient aussi de Jimi Hendrix et de Donna Summer, samplés respectivement sur "The Way We Swing" et "Freaks Of The Industry", sur lequel Shock G et Money B laissent s’exprimer leurs instincts primaires. Dans le même registre "Gutfest' 89", un reportage dans un festival de jolies filles fait penser à ce que 2 Live Crew auraient pu faire s'ils avaient eu du talent, tandis que "Hip-Hop Doll" laisse poindre un coté presque romantique dans la technique de drague de Shock G qui invite une demoiselle à l’opéra avant de réaliser qu’elle préfère le hiphop "Baby, I've heard all the lines, I pioneered this, I'm housin, I ain't no joke, I get raw, how you like me now, you're a customer, et cetera" !

Pourtant c'est plutôt d'onanisme qu'il est question dans les quatre parties de Sex Packets : un délire autour d'une pilule addictive provocant des rêves érotiques, vendue à la sauvette par des dealers ! Le titre Sex Packets est une longue balade jazzy susurrée par Shock G et censée évoquer les effets aphrodisiaques des pilules, ailleurs on retrouve un style plus classique sur 'Tribute to The Early Days', freestyle posé sur un passe passe que Kenny K tape sur un titre des Olympic Runners. Enregistré dans une cave avec un dictaphone, cet exercice old school à l’image de l’album reste terriblement efficace des années après.