Anticon :: 1999 :: acheter ce disque
D'après l'auteur, il serait ridicule de faire du rap quand on est blanc et qu'on ressemble à un nerd (bof... moi, sur les photos ils me font plutôt penser à de vieux rednecks), quand on aborde des sujets métaphysiques (Slug, Buck 65 ou Alias seraient "des adolescents attardés qui nous font part de leurs questionnements" ?) et ces messieurs seraient les chantres du rap chrétien, ce qui est 1) en majeure partie faux, 2) une accusation assez ridicule quand on connaît le pourcentage de rappeurs, "tous styles confondus", qui passent leurs morceaux à louer Dieu/Allah. A moins que ce chroniqueur essaie de nous faire croire qu'il n'écoute que des groupes athées...
Bon, il faut reconnaître que le titre est particulièrement prétentieux et que Sole est un mégalomane doublé d'un piètre rappeur. Mais le collectif, dans son ensemble, est certainement un des plus intéressants qui ait émergé dans le rap ces dernières années.
Cependant, laissons-là ces considérations de bas-étages, fuck it, let's hear this...
Le CD est parsemé d'interludes réalisées par Signify et Mayonnaise plutôt sympathiques, mais bon ça ne reste "que" des interludes.
Les Deep Puddle Dynamics ouvrent les hostilités assez tranquillement avec un "Rainmen" peu intéressant, malgré le rappeur Dose. C'est Buck 65 qui délivre la première bombe avec "Untitled" (à propos, s'il te plait Buck, redonne un titre à tes morceaux) à l'aide de Sixtoo, qui offre au texte halluciné de son compatriote une basse bien lourde et un riff de guitare sèche : simple mais terriblement efficace. Tout ceci débouche, hélas, sur "Savior?", la moins bonne prod du disque avec sa grosse basse cheesy qui rappelle du Dr. Dre récent (ce n'est pas un compliment) et qui bouffe totalement les lyrics de Slug et Eyedea... Ne parlons même pas de la rythmique rachitique.
Heureusement déboule l'OVNI "It's Them", génialement différent, servi de main de maître par Jel et transcendé par Dose : un vrai track "for the advancement of hip-hop" ! Le thème ressemble au générique de Batman (version série des années 60) et Dose se lance dans un texte marathon de 6 minutes plus ou moins compréhensible débité sur un ton théâtral bien à lui ("look it's not actually bad rap, i just don't feel it... they are sadic!"). Bref, que du bonheur, et même plus. Alias se prend pour DJ Shadow sur "Divine Disappointment" (là, c'est un compliment) avec une prod assez cinématique et un texte un peu grandiloquent, mais bon...
"Meditations" est débile et enthousiaste comme du Mr. Scruff, un peu comme le Mr. Skurge, heureusement raisonnablement court.
Le reste est du sérieux : "Human Races The Tortoise" de Sole et Dose et son gimmick de guitare électrique semble courir vers une destination inconnue, devenant de plus en plus opressant au fil du morceau, les superpositions de lyrics fonctionnent parfaitement et le "once upon a time..." est des plus entêtants... Bref encore une vraie réussite. "Nothing But Sunshine" est un de mes morceaux (sinon mon morceau) préférés de Slug, tous confondus. La boucle de Moodswing 9 est efficace et le membre d'Atmosphere émouvant, nous contant sa jeunesse mouvementée marquée par le décès de sa mère et son adolescence solitaire... Le refrain devient vite un classique que l'on chantonne longtemps après (sous la douche ?) pour se donner la motiv', dans le genre "what a wonderful world".
"Martyr Theme Song" est sympa et assez rythmé, quoique manquant un peu de puissance. Et par ailleurs Sole y est une fois de plus pris en flagrant délit de racontage.
Sur la plage suivante Sixtoo médite sur la neige avec un texte un brin pleurnicheur (style "mon fils ne verra jamais la neige") sur un beat limite drum 'n' bass doublé d'une boucle à laquelle on peut reprocher une trop grande linéarité. Pourtant on conclut en beauté avec le tubesque "Holy Shit!" qui nous fait monter le son à fond, avec sa belle brochette de MCs et son sample de tablas bien "patateux" euh... "entraînant" (?) ; avant d'en finir définitivement sur une joli ballade de The Pedestrian, assez intelligemment construite : une boucle en début et fin de morceau "à la Fat Jon" (si ça vous inspire quelque chose) qui tranche avec une partie plus classique portée par le phrasé rapide-mais-posé du MC.
Voilà. Malgré Sole, malgré "Savior?" et malgré le son manquant ici ou là d'un peu de patate (dû à un mix parfois un peu approximatif), je vous recommande fortement Music..., sachant qu'il s'agissait là d'une première étape pour un label qui s'est depuis enrichi de plusieurs excellentes sorties.