Après le Canada, la Californie et Hawaï : la Belgique... Prozac-hip hop worldwide ! Décidément l'avènement d'Anticon n'en finit plus de faire des adeptes et de révéler au mieux de (vrais) artistes à la sensibilité légèrement plus développée que celle de l'average MC, au pire des nerds dépressifs rappant tout seul dans leur chambre sur combien ils sont tristes et le monde méchant. La frontière entre les deux extrêmes étant parfois dure à délimiter il convient de bien décrypter les démarches artistiques de ces gens pour se faire une idée.
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Et où se situent nos hommes des cavernes -Boring Siaz, dAn&theiDiOt, The Homesick Alien et Spleen Venter- me demanderez-vous ? Eh bien... Ce qui est sûr c'est qu'ils n'ont ni des MCs de la carrure de Dose ou Sage, ni des beatmakers de l'envergure de Jel ou Odd Nosdam. En tout cas ils ne manquent pas d'imagination, témoin ce Wooden Cast, quatrième album conceptuel où, d'après ce que j'ai cru comprendre via leur site, chaque chanson représente une scénète de la vie des Shadowanimals, des enfants perdus dans les bois qui ont grandi et créé une sorte de hameau nommé Wooden, chaque MC endossant un rôle au gré des histoires. Et autant l'avouer, la vie n'est pas très drôle à Wooden, ou comme le résumerait ce perspicace confrère hawaïen : "they rap about being unhappy and stuff".
"Acceptance Equals Death" donne le ton d'entrée : quatre accords de piano soutenus par un violon lointain, la voix geignarde de Nomad puis celle maussade de Siaz (accent belge compris), il pleut et vous décidez de rester au lit pour lire La Nausée de Sartre : "the more i'm sad, the more i realize i shouldn't wake up no longer, the more i get afraid and terrifie d about what i'm goin to say, everybody around me lives like that anyway". La suite est du même tonneau: spoken words glacés sur production glauques, seule la qualité des instrus varie.
Si plusieurs morceaux ne passent pas le cap de la première écoute (les ennuyeux "Dusty Curtains", "Can I Do It Again", "Dan And Siaz Have a New Home" ou le saoulant-sur-la-longueur "Papertheatre"), d'autres dénotent tout de même d'un potentiel réel mais hélas inconstant. "Outline Of Fractures" par exemple révèle sur sa fin un breakbeat énooorme digne d'un Jel en grande forme, ou "Caffeinebreak", extrait d'un de leur précédent album et intelligemment ajoutée à cette version vinyle, use de multiples changements de boucles qui évoulent au gré des complaintes de dAn&theiDiOt.
La fin de l'album remonte elle aussi le niveau global : "Candlelightbrunch" en compagnie des Escape Artists (le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils se sont trouvés) utilise un beat poisseux qui se métamorphose en rythmique drum'n'bass sur la fin ; "Killing Time" est une gentillette ballade basée sur un air de guitare classique. Mais c'est finalement le glacial "The Outcome" qui décroche la palme, l'apparition des suédois Stacs Of Stamina n'y étant pas étrangère.
Car le gros handicap de Cavemen Speak se situe essentiellement du côté des mcs. A l'instar d'un Sole, leur non-charisme est flagrant et leur prestation au micro se limite trop souvent au minimum syndical, les protagonistes ayant apparemmment tout misé sur leurs textes introspectifs. Hélas n'est pas Buck 65 ou Sage Francis qui veut et l'ennui pointe son nez sur une bonne moitié du disque. Tout est loin d'être mauvais sur Wooden Cast et le peu d'information que constitue ma version tronquée ne permet pas un jugement des plus justes. Le résultat entrevu laisse cependant un sentiment mitigé, d'un côté la qualité de certaines instrus et le potentiel qu'elles laissent entrevoir, de l'autre des performances lyricales qui laissent à désirer et l'ennui provoqué par les autres prods lourdaudes et baclées. Gageons que la tendance penchera définitivement du bon côté lors des prochains albums.
Note: le disque chroniqué ici est une version vinyle de l'album, soient 11 titres contre 19 sur la version CD et un tracklisting légèrement différent.