Temporary Whatever:: 2001 :: acheter ce disque
Créé à Los Angeles par les emcees Aceyalone de Freestyle Fellowship et Abstract Rude d’Abstract Tribe Unique, le Project Blowed a pour vocation d’offrir une tribune aux rappeurs, slammeurs, poètes et autres raconteurs de tous poils. Busdriver en est un adepte assidu et un fervent défenseur comme il le clame haut et fort sur le Lost Angels EP de Daddy Kev avec le morceau au titre explicite "Blowed Anthem".
C’est donc accompagné de ses compagnons du Project Blowed que Busdriver se lance dans l’expérience de ce premier album. Ainsi c’est CVE (également présent au micro par 2 fois) qui assure la quasi totalité des productions, ne laissant que deux titres a Fat jack (Freestyle Fellowship…) et un seul a OD (le producteur de la compilation culte Beneath the Surface) De plus on voit défiler au micro Riddlore, 2mex (membre des groupes Visionaries et Of Mexican Descent), AvA (Eve des Figures of Speech) et enfin Abstract Rude.
Memoirs of the Elephant Man s’ouvre sur "Neva Bite the Hand that Serves you", titre énervé où Busdriver hurle, un peu a la manière d’un Sole mais en mieux, sur une bande son apocalyptique surmontée de la guitare électrique agressive d’Adam Salzman.
Le titre suivant "I won’t Dance" a l’intérêt non négligeable d’être le titre le plus lent de l’album et donc par conséquent le titre où les lyrics du Busdriver sont les plus compréhensibles, compréhension par la suite impossible pour nous francophones. Sur ce titre contradictoire car assez dansant Busdriver rappe en souplesse un texte sur le thème archi classique de la bataille contre les wacks et l’hideuse industrie du disque…
C’est à partir du morceau "Driving Under the Influence" que Busdriver donne la pleine mesure de son talent et de son style singulier. On est tout à coup téléporté dans la crique d’une pyramide hantée par la malédiction d’une momie sadique. Le flow de Busdriver est tout simplement incroyable, il fait preuve d’une surprenante agilité, s’aventurant de plus en plus loin dans l’expérimentation verbale.
Quelques titres plus loin survient "Painkillas", véritablement un des sommets de l’album. la production de CVE, qui s’occupe d’ailleurs de la quasi-totalité des beats, est excellente. Un piano à la mélodie fluviale sert de terrain de jeu à Busdriver qui le griffe de sa voix âpre et irritante. Il est malheureusement dommage que tous les sons de Memoirs of the Elephant Man ne soient pas du niveau de celui de "Mainkillas".
Le morceau "Blank Space" ne connaît pas le problème de la faiblesse musicale puisqu’il s’agit d’un court titre a capella. D’une intensité vocale impressionnante, Busdriver se livre ici a un exercice de style live dans la plus pure tradition des micros ouvert Project Blowed.
Dans le même type de prestation, l’interlude "Mystic Proportions" nous permet de (re-)découvrir la female MC AvA précédemment connu sous le nom d’Eve dans le groupe Figures of Speech. Elle déchire tout simplement, dommage que son apparition soit si brève . Une interlude qui donne véritablement envie de se pencher sur le travail de la demoiselle.
La fin de l’album est vraiment excellente et on peut éprouver quelques regrets au vu de la production inégale de CVE. Des producteurs plus variés aurait apporté un plus évident à l’album.
Comme pour appuyer ma théorie, il s’avère que la plus grande réussite de l’album est un des rares titres non produit par CVE mais par Fat Jack, producteur illustre notamment de Freestyle Fellowship. 'Everybody Styling' est effectivement génial. Sur un son booty-basso-bounce sur lequel plus d’une jeune fille se déhancherait sans pitié, Busdriver est une nouvelle fois excellent, se laissant aller a une nouvelle fantaisie vocale très inspirée.
Le titre suivant "Think Different" donne l’occasion a Busdriver de se lancer une nouvelle fois dans son forfait favori : l’exagération . Ce qui aurait pu être un défaut majeur devient presque une qualité. Busdriver en fait trop accélère son phrasé de façon impressionnante, accentue ses inflexions a l’extrême, au point que ça en devienne jouissif.
L’album se conclue sur deux titres plus festifs . Tout d’abord l’excellent "Get on the Bus", l’autre participation a la production de Fat Jack avec la celle du MC Abstract Rude. Les deux styles se marient parfaitement dans une ambiance bon enfant, démontrant s’il en était besoin leurs talents respectifs.
Le dernier titre 'Bonus Cut' est plus anecdotique mais maintient néanmoins la pression jusqu'à l’arrêt complet du bus et de son chauffeur.
Malgré une production par moment moyenne, Busdriver nous livre un très bon premier album, à l’obscurité et à la densité inouïe, et démontre qu’il est un grand MC avec une palette de flows largement plus impressionnante que la majorité de ses congénères. Il confirme s’il en était encore besoin l’incroyable talent de cette scène West Coast Underground.