Celestial :: 2000 :: acheter ce disque

Le morceau inaugural "Who’s Got Presents?" arbore une production fraîche, funky et dynamique de OD, très en forme ici, soutenant les voix des 9 MCs (dans l’ordre : Circus, 2Mex, Busy Bleek, Awol One, Life Rexall, Dr Lewdachris, Akuma, Existereo et Dierkt) qui tentent d’exposer la philosophie émergeant de leurs esprits aliénés. Leur attitude peut se résumer à ces vers de Life Rexall :

It’s the return of the vagabond hip hop
who rebel at the presence of giappas
only the hands of God can stop us from living prosperous
ready to blow like phosphorous
amongst the devious industrious
anti-Hollywood illustrious
take the indigenous genius serious
part-time actor that spits his verses in tyrannous
it’s the opposite the anonymous populous
a knight of monamolis
nothing short of miraculous

L’album se poursuit avec "Prevail", un titre puissant et offensif où Dierkt, Akuma et Life Rexall (le trio formant le sous-groupe Chainsmokers) étalent avec brio la dextérité de leurs flows sur un instrumental intraitable d’inspiration spatiale.

Fortement suggestionnée par les classiques populaires du cinéma de science-fiction (Star Wars, La Planète des Singes, Star Trek, etc.), la déroutante odyssée inter-galactique du groupe se prolonge magistralement au long des 15 morceaux qui composent cet OVNI sonore. Un des plus beaux exemples de l’excentricité dont font preuve les Shapeshifters est sans aucun doute le confondant "Planet Rock 2012", oratorio hip-hop de plus de 8 minutes charpenté d’un beat sombre et très travaillé comme échappé du laboratoire d’expérimentation chimiques de Life Rexall. La quasi totalité du groupe s’y retrouve afin de livrer une version futuriste de l’énergie qui animait "Planet Rock", archi-classique d’Afrika Bambataa et Soul Sonic Force.

Sur "Reiterate" le crew explore un univers encore plus dément ; Dr Lewdachris, Busy Bleek, Akuma et Life Rexall posent leurs lyrics extraterrestres sur une composition vraiment déroutante (cet instrumental à notamment été utilisé pour la fameuse "Impro Cassoulet" de Cyanure sur la non moins fameuse mixtape L’Antre De La Folie). Avec sa batterie en retrait, ses samples hypnotiques et ses scratches assurés par DJ Introspekt, ce morceau constitue un moment fort de l’album à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Toujours dans le même registre explosé à l’acide bon-marché de consommation courante, le succinct "Beetleborg" (produit par Existence) rappé en anglais et en espagnol perfectionne la mixture abstruse et hallucinée qui fait la particularité de cet opus.

Non contents de réussir avec maestria les expérimentations les plus audacieuses, les Shapeshifters se fendent également de titres plus classiques sans prétériter une identité plus que marquée. Ainsi "Wake Up Dead" met en scène Awol One secondé de Mikah 9 du groupe-culte West Coast underground Freestyle Fellowship. La composition mélodique de Fat Jack tranche avec les paroles ténébreuses des emcees :

Well never should one cast a whirl amongst the swine
sleepers these pillows masking sounds of blasting nines
weepers squeeze of willow wisps
as whips for lashing slip hip disks the blacks behind
I’m past my time beyond my years of rhyme
cash is crime
where the night reeks of dead haunt
the bail of Los Minions
seemingly unaware of devious chants ants people sidewalks
I brandish outlandish exploits in the joints
I squawk
upchuck another seething carcass
knives are markers
a darker horror surrounds your outer castle
orgasm catalyst meat curtain
bleed spurting

D’autres titres comme le percutant "The Chain Name" ou "Triple Threat" tous deux interprétés par les Chainsmokers (Akuma, Dierkt, Life Rexall) affichent des productions accrocheuses propices aux vocalises torturées et modulables des rappeurs.

Outre la science-fiction et les substances psychotropes, l’humour est une grande part du microcosme Shapeshifters. Pour preuve le délicieusement suranné "Strange Birds" d’inspiration old school, mais surtout le pamphlet hilarant "Korn Bizkit". Ce dernier raille un improbable MC-Insane-Kid-Korn-Bizkit (contraction entre Insane Clown Posse, Korn, Kid Rock et Limp Bizkit), allégorie d’une scène dite "alternative" singeant le hip-hop avec la réussite d’un lance-pierre Ewok face à L’Etoile Noire et autres facsimilés grotesques. Ils s’en prennent aussi aux mega-stars du rap : "I’m so ashamed you give emcees like me such a bad name, oh my god it’s Vanilla Ice all over again" lance Circus, et il n’est pas éloigné de la vérité.

Comme dans beaucoup d’albums très éclectiques Adopted By Aliens n’est pas exempt de tout reproche. Le remix de "Mos Eisley" peut s’avérer rapidement poussif en raison du flow particulièrement forcé de Circus qui assure le titre en solo. Autre passage à vide, le morceau "Words Of Wizdumb" pèche par excès de propreté : le beat grandiloquent ne possède pas le charme des autres compositions en dépit de l’excellente prestation des emcees (Bleek, Awol One, Life Rexall) qui se livrent sur leurs expériences musicales, mais pas seulement ; Awol One lâche un bon couplet :

A bloody valentine seen walking through my sleep
if I can be touched I can defeat
sleep sound
I wake up energized and ready to take on the world
if only I can get up
purified the air with the portable air supply
you made a fire
so I don’t get dry
this is the most important four minutes of your life
under high volumes
quality control type
life is what’s happening when you’re listening to music

Les productions étranges et originales de cet album lui confèrent une atmosphère singulière, faite d’incompréhension et de fascination. Les performances microphoniques des emcees tirent le tout vers le haut, ce qui ne fait qu’augmenter l’intérêt de ce Adopted by Aliens. Une réelle personnalité émane des 15 plages musicales, comme un voyage intersidéral vers l’inconnu ou un mauvais trip sous mescaline. Un album vraiment original, déroutant souvent, et génial parfois !